Clauses abusives
clauses
abusives, clauses, qui, parce qu’elles confèrent un avantage indu à l’une
des parties à un contrat, ou parce qu’elles sont imposées à la suite d’un abus
de puissance économique, sont déclarées illicites.
Le Code civil a été conçu sur le postulat de
l’égalité des parties à un contrat. Cette égalité affirmée permettait de
présumer que le contrat était le fruit de la libre négociation entre les deux
contractants. Ainsi, dans cette optique, aucune clause ne pouvait être abusive
puisque toutes les clauses avaient été discutées et acceptées.
Ce postulat a vite été dénoncé comme erroné. En
effet, non seulement il faisait fi de la faiblesse de certaines parties (ouvrier
face à l’employeur, locataire face au propriétaire, etc.), mais encore il ne
rendait pas compte de l’évolution des relations contractuelles. C’est qu’au
cours du XXe siècle, le
contrat d’adhésion — ainsi désigné par Raymond Saleilles — est devenu plus
courant que le contrat conclu à la suite de négociation. Le contrat d’adhésion
est le contrat rédigé unilatéralement, à l’avance, par la partie puissante, et
présenté à l’adhésion de ses multiples contractants qui n’ont pas la possibilité
d’en négocier le contenu. Le contrat de transport conclu avec la SNCF, le
contrat d’approvisionnement conclu avec EDF, le contrat d’assurance conclu avec
telle grande compagnie, sont des contrats d’adhésion : s’il choisit de
contracter, le client est obligé de le faire aux conditions fixées par son
contractant. Le problème est alors que bien souvent les conditions qui lui sont
imposées sont à son désavantage. Il se voit, par exemple, privé de recours en
cas d’inexécution (clause déclinant toute responsabilité en cas de perte ou de
vol, etc.), ou encore contraint à des sacrifices lorsque lui-même n’exécute pas
(clauses pénales, etc.). Or, la lettre du Code civil ne permet pas d’échapper
aux stipulations contractuelles, même contenues dans un tel contrat
d’adhésion.
La jurisprudence n’est toutefois pas restée
insensible au sort de la partie la plus faible au contrat. Ainsi, elle a exigé
que celui à qui l’on oppose des clauses puisse en avoir eu effectivement
connaissance (par voie d’affichage ou par impression sur le titre de transport,
notamment). Mais, elle ne s’est pas octroyée le droit d’aller beaucoup plus
loin. Aussi, le législateur est-il intervenu pour permettre au juge de modérer
la rigueur du contrat (la clause pénale, par exemple), puis pour réputer non
écrites les clauses abusives. Cette dernière intervention a été réalisée par la
loi du 10 janvier 1978 insérée par la suite dans le Code de la
consommation.
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DÉFINITION DES CLAUSES
ABUSIVES |
L’article L. 132-1 du Code de la consommation
considère que « dans les contrats conclus entre professionnels et
non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour
objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou consommateur,
un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au
contrat ».
Il est très important de circonscrire le
domaine de l’article L. 132-1. En effet, la jurisprudence refuse actuellement de
l’appliquer aux contrats qui ont un rapport direct avec l’activité
professionnelle du contractant qui invoque le caractère abusif d’une clause.
C’est ainsi, par exemple, que le contrat de location d’un véhicule, conclu par
un commerçant pour les besoins de son commerce, ne relève pas du champ
d’application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation. Le commerçant
n’est certes pas un professionnel de la location de véhicule, mais la
jurisprudence considère qu’il n’est pas non plus le non-professionnel ou
consommateur visé par le texte.
Toutefois, la jurisprudence trouve parfois dans
l’article 1134 alinéa 3 du Code civil le fondement propre à paralyser le jeu de
clauses exorbitantes. Cet alinéa exige des contractants qu’ils exécutent de
bonne foi le contrat. De la sorte, le caractère disproportionné d’une clause
peut être invoqué, même dans les relations entre professionnels, là où le Code
de la consommation ne saurait être appliqué.
Le Conseil d’État peut
déterminer des types de clauses qui doivent être
considérées comme abusives au sens de l’article
L. 132-1, après avis de la Commission des clauses abusives.
Le travail réglementaire n’a toutefois pas
été très important, puisqu’à
l’heure actuelle un seul décret est intervenu le
24 mars 1978. Ce texte interdit, dans la vente, les clauses qui
ont pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit
à réparation du consommateur en cas
d’inexécution de ses obligations par le professionnel ou
qui permettent au professionnel de modifier unilatéralement les
caractéristiques du produit promis.
Par ailleurs, une liste indicative — dite liste
blanche — annexée au Code de la consommation considère comme abusives les
clauses qui ont pour objet ou pour effet :
— d’exclure ou de limiter la responsabilité
légale du professionnel en cas de mort d’un consommateur ou de dommages
corporels causés à celui-ci, résultant d’un acte ou d’une omission de ce
professionnel ;
— d’exclure ou de limiter de façon
inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel ou
d’une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d’exécution
défectueuse par le professionnel d’une quelconque des obligations
contractuelles [...] ;
— de prévoir un engagement ferme du
consommateur, alors que l’exécution des prestations du professionnel est
assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
— de permettre au professionnel de retenir des
sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à
exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir
une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est
celui-ci qui renonce ;
— d’imposer au consommateur qui n’exécute pas
ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;
— d’autoriser le professionnel à résilier le
contrat de façon discrétionnaire si la même faculté n’est pas reconnue au
consommateur [...] ;
— d’autoriser le professionnel à mettre fin
sans préavis raisonnable à un contrat à durée indéterminée, sauf en cas de motif
grave ;
— d’autoriser le professionnel à modifier
unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le
contrat.
Enfin, le juge a le droit d’éliminer les
clauses abusives. Il l’a notamment fait pour les clauses suivantes :
— la clause par laquelle un vendeur précise
que les délais de livraison ne sont qu’indicatifs, que le retard ne pourra
constituer une cause de résiliation, ni ouvrir droit à des dommages et intérêts,
et que l’acheteur ne pourra obtenir la restitution des sommes versées qu’après
une mise en demeure restée sans effet pendant 90 jours ;
— la clause exonérant un laboratoire
photographique de toute responsabilité en cas de perte des diapositives ou des
films remis au développement ;
— la clause d’un contrat de location qui fait
supporter au preneur la totalité des risques de perte ou de détérioration de la
chose louée, même en cas de force majeure et sans faute du preneur.
En revanche, n’est pas abusive la clause d’une
police d’assurance renvoyant aux conditions générales de l’assureur, et dans
laquelle, l’assuré reconnaît avoir reçu un exemplaire desdites conditions
générales.
Le Code de la consommation répute non écrites
les clauses abusives (article L. 132-1), ce qui les prive de tout effet.
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